JO PRIVAT par... JO PRIVAT
« Je suis né à Paris, fils d'une mère italienne et d'un maçon auvergnat.
Élevé au sirop de la rue à Ménilmontant et Belleville. C'est ma tante Yvonne, taulière d'une Maison close
(un bordel) rue des Ecouffes vers la Bastille, qui pour mon Noël m'achète mon premier
Boutonneux(1) diatonique. J'en tombe amoureux et
joue à la feuille des refrains à la mode. C'est ma grand-mère qui gagne à la loterie nationale en 1935
10000 francs, ça fait de l'oseille à l'époque. De suite, elle m'achète un accordéon chromatique pour
3 sacs, 4 rangées clavier, 120 basses, 3 registres, marque Ruffina Giovani.
Il ne me reste plus qu'à apprendre à en jouer. Je vais chez Paul Saive, un des meilleurs professeurs
d'accordéon, musique et solfège, etc. Pour échapper à l'usine, entre mes cours je joue dans les rues,
restaurants, lavoirs, etc.
Je fais la mangave(2) et gagne largement ma graine.
Mon premier concert est chez ma tante Yvonne, j'ai du succès auprès des
effeuilleuses(3) de sa taule, surtout avec
Rosita la dévoreuse qui quelquefois me démoule sa pâte à
tarte(4) et cela m'arrange car je suis
un peu chétif du gousset. Bref, c'est la planque.
Un jour tante Yvonne me présente à son pote intime Mimile Vacher le Roi du Musette à l'époque, qui vient
dans sa Taule se faire écrémer (5) par Monique la
Ventouse, un lot de 1er choix, qui a démarré comme essoreuse sur l'bitume et a pris du galon avec le temps.
Mimile qui a le battant sur la paluche, me fait une fleur, il me prend comme partenaire et je deviens un
laborieux du dépliant (6). Je joue dans presque
tous les bals musettes de Paris et deviens pote avec les truands,les macs, la pègre. Les bals pour qui le terrain
est giboyeux pour les chasseurs de fesses (7) et
c'est au Petit Jardin, bal des Corses et des Gitans que je rencontre Gus Viseur, Tony Murena, Charley Bazin et
Guérino, les précurseurs de l'accordéon sans vibration.
Tous s'inspirent de Django Reinhardt qui vient souvent faire le boeuf aux guitaristes gitans, les frères Ferret,
Baro, Sarane et Matelot. Je n'échappe pas à la règle, ma façon de jouer change et le dépliant devient
la Boite à frissons, on appelle cela le style manouche et quand Django joue c'est du champagne en intraveineuse.
Mais c'est au Balajo, le Temple du musette, que je gravis mon dernier échelon et connais la popularité. Je compose
des valses qui deviendront célèbres : "Balajo - Sa préférée - Mystérieuse - Nuit blanche" et mon accordéon fait
palpiter les battants (8), il récure les tripes,
fait chalouper les valseurs. »
Jo Privat
1) accordéon retour
2) Faire la quête, faire la manche retour
3) Fille de clac ou pensionnaires. retour
4) Remettre une partie de sa recette retour
5) Jeter sa gourme ou cracher son venin retour
6) Un ouvrier de l'accordéon retour
7) proxénète retour
8) coeur retour
http://swingjo.apinc.org
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